HISTOire

LA VIE À DAWSON CITY

Au plus fort de la ruée vers l’or, durant l’été 1898, près de 40 000 personnes vivaient à Dawson City. D’un petit camp de pêcheurs autochtones, elle est devenue une ville grouillante de vie. En fait, cette année-là, Dawson City est devenue la plus grande ville du Canada à l’ouest de Winnipeg, au Manitoba.

La ville carburait à l’or. Le précieux métal était partout, et on pouvait acheter n’importe quoi avec. De nombreux chercheurs dépensaient leur or sur le coup, et souvent le pariaient même. On pariait sur n’importe quoi, même sur celui qui pouvait cracher le plus loin! Il y avait tellement d’or dépensé dans la ville qu’on disait qu’on pouvait s’enrichir juste en balayant le plancher d’un bâtiment et en récupérant la poussière d’or.

Cette photo montre un homme qui verse de la poussière d’or d’un sac pour payer son épicerie. Il y a une balance sur le comptoir pour peser la poussière.

Source : Larss & Duclos. Paying with Gold Dust, Fall 1899. 1899. Collections historiques. Archives numériques de l’Alaska.

La rue principale de Dawson City était la rue Front, où le gros de l’action avait lieu. Elle était bordée de commerces : théâtres, hôtels, salles de jeu et restaurants. Des cabanes en rondins et des tentes occupaient le reste de la ville. Au printemps, les rues se transformaient en boue et en été, les mouches et les moustiques faisaient la pluie et le beau temps. 

Comme la quasi-totalité des bâtiments étaient en bois et que toutes les maisons étaient chauffées par des poêles, les incendies étaient une menace réelle pour la ville. Entre 1897 et 1899, trois grands incendies ont détruit une tonne de bâtiments. Le dernier incendie a été le pire, et des biens d’une valeur de plus d’un million de dollars ont brûlé.

Bord du fleuve à Dawson City, avec la rue Front en arrière-plan, où des gens sont rassemblés pour une célébration quelconque. Notez le nombre d’entreprises le long du quai et de la rue Front.

Source : Riverfront and Front Street in Dawson City. Vers 1898. Collection du musée d’histoire et d’art d’Anchorage. Archives du Yukon.

Il y avait des pénuries de nourriture, de vêtements et de beaucoup d’autres articles. Comme Dawson City était loin au nord, il était difficile de s’approvisionner. Et comme la population ne cessait de croître, la pénurie de nourriture est devenue un grave problème. Le sel valait autant que l’or, les œufs coûtaient plus de 80 $ en dollars d’aujourd’hui, et les pommes étaient presque 30 $ chacune (en dollars d’aujourd’hui)!

 
 

Les salles de danse

La rue Front était toujours noire de monde, et les saloons, les hôtels et les salles de danse étaient bondés. Les salles de danse, en particulier, sont un élément emblématique de la ruée vers l’or. Ces salles étaient à la fois des saloons, des salles de jeu et des théâtres! Le saloon et les tables de jeu se trouvaient à l’avant du bâtiment, et le théâtre à l’arrière.

Foule sur la rue Front à Dawson City. Notez la bannière du théâtre Tivoli. Le Tivoli, ainsi que trois autres théâtres, étaient tous situés dans le même pâté de maisons sur la rue Front.

Source : Front Street Dawson. Vers 1898-1901. Collection Ken Mawhinney sur la ruée vers l’or du Klondike. Archives du Yukon.

Ce sont surtout les prospecteurs qui se rendaient dans ces salles de danse pour assister aux spectacles. Les acteurs et les chanteurs n’étaient pas tous excellents, mais il y avait quelques artistes talentueux qui savaient attirer les foules. En faisait partie Margie Newman, âgée de neuf ans, surnommée la princesse du Klondike, qui faisait pleurer les hommes lorsqu’elle chantait sur scène. Quand elle a fini par quitter le Yukon, elle avait fait une fortune en pourboires. Une autre danseuse et actrice, Kathleen Rockwell, était très populaire auprès des chercheurs d’or. Elle a acquis le surnom de Klondike Kate et, après avoir quitté le Yukon en 1902, elle a formé des actrices à Hollywood et même fait une brève apparition dans une émission de télévision plus tard dans sa vie.

Klondike Kate. La légende de la photo va comme suit : « On portait des collants à l’époque. Sinon, la police montée nous aurait chassées du pays. »

Source : Klondike Kate wearing a leotard. Vers 1896-1902. Collection sur l’Alaska et la région polaire. Archives numériques de l’Alaska.

Il y avait beaucoup d’or à Dawson City, et comme il n’y avait pas beaucoup d’autres possibilités de dépenser, le jeu et la boisson dans les saloons et les salles de danse sont devenus populaires parmi les prospecteurs. Sans compter que la vie de prospecteur était une vie de solitaire : les chercheurs d’or passaient la plupart de leurs journées en silence à creuser le sol, et souvent ils revenaient les mains vides. Les salles de danse leur permettaient de se changer les idées et de s’amuser.

Souvent, les hommes y allaient juste pour passer du temps avec les actrices et les danseuses. Lorsqu’elles n’étaient pas sur scène, ces femmes étaient occupées à encourager les prospecteurs à acheter plus de boissons et à dépenser plus d’or dans l’établissement. Parfois, si un homme avait trouvé beaucoup d’or et voulait épater la galerie, il payait la tournée à tout le monde!

Police

Contrairement aux villes états-uniennes de Dyea et de Skagway, par lesquelles de nombreux chercheurs d’or devaient passer pour se rendre au Klondike, Dawson City n’était pas violente. Les gens n’avaient pas le droit de porter des armes de poing, et les saloons devaient fermer pendant 24 heures tous les samedis à minuit.  

La ville était gérée par la Police montée du Nord-Ouest, qui veillait à ce que tout soit strictement en ordre afin que les escrocs comme Soapy Smith à Skagway ne prennent pas les commandes. Pendant un certain temps, les policiers ont été les seuls représentants du gouvernement au Yukon. Ils étaient donc responsables de toutes sortes de choses, et pas seulement de l’application de la loi. Ils géraient les bureaux de poste, les prisons et le palais de justice, ils percevaient les impôts, ils s’occupaient des douanes à la frontière avec les États-Unis et plus encore.  

Sam Steele, le chef de la police, était connu pour travailler près de 20 heures par jour au plus fort de la ruée vers l’or. Son service de police savait tout ce qui se passait à Dawson City. 

Sir Samuel Benefield Steele, major général, soldat canadien et chef du détachement du Yukon de la Police montée du Nord-Ouest pendant la ruée vers l’or du Klondike.

Source : Steele and Company. Col. S.B. Steele commanding Strathcona's Horse. No. 733. 1900. Bibliothèque et Archives Canada.

La police a souvent dû inventer de nouvelles lois en raison de certaines circonstances inhabituelles survenues pendant la ruée vers l’or. Par exemple, elle a commencé à inspecter et à réglementer les bateaux que les chercheurs d’or fabriquaient et utilisaient pour traverser les dangereux rapides de Miles Canyon. Un autre exemple est le refus de la police de laisser les prospecteurs passer le col Chilkoot pour entrer au Canada s’ils n’avaient pas assez de provisions. C’était en fait illégal pour eux d’exiger une telle chose, mais leurs actions ont été endossées par le gouvernement canadien de l’époque.

La police n’hésitait pas non plus à punir sévèrement les personnes qui commettaient des actes de violence. L’une des pires punitions consistait à forcer les gens à travailler dix heures par jour à la « cour à bois » à fendre du bois pour les bureaux du gouvernement. Il s’agissait d’un travail très exigeant physiquement, et la seule menace d’y être envoyé suffisait à maintenir de nombreuses personnes dans le rang.

Un agent de la Police montée du Nord-Ouest debout avec un cheval, probablement à l’extérieur de Dawson City.  

Source : Cantwell, G. C. NWMP officer with a horse. Vers 1901. Collection Adams et Larkin. Archives du Yukon.

Dawson City n’était peut-être pas une ville violente, mais elle n’était pas non plus totalement exempte de crimes. Avec autant d’or qui traîne, il y a eu beaucoup de vols. Mais la plupart des gens n’ont pas été condamnés pour vol. La police a trouvé plus efficace de dire aux criminels que leurs accusations seraient abandonnées s’ils quittaient simplement le Yukon. Il s’agit d’une autre pratique qui est en fait illégale (c’est une forme de déportation), mais la plupart des gens ont choisi de partir, car l’autre option était bien pire : la cour à bois pendant des semaines.

La police autorisait les jeux d’argent et la prostitution, tant que les choses ne dégénéraient pas trop. La prostitution était illégale dans toutes les régions du Canada à l’époque, mais la police la tolérait à Dawson City parce qu’elle était trop populaire et qu’on craignait que les hommes de la ville ne se révoltent si elle était soudainement interdite.

 
Un saloon est un type de bar courant dans l’Ouest sauvage des États-Unis ainsi que dans plusieurs villes frontalières du Canada. Ils ont été construits pour les trappeurs au début des années 1800.