HISTOire

LA RUÉE VERS BONANZA

La ruée vers l’or du Klondike est connue comme l’une des dernières grandes ruées vers l’or. Elle a laissé un héritage culturel qui perdure encore aujourd’hui, et de nombreux livres et poèmes, ainsi que quelques films, portent sur le sujet. Aujourd’hui encore, la grande découverte d’or est observée chaque année au Yukon à l’occasion de la Journée de la découverte.

Qu’est-ce qui en fait quelque chose d’aussi important? Outre l’énorme quantité d’or trouvée, la situation s’explique par le contexte dans lequel a eu lieu la ruée. Lorsque la grande découverte d’or a eu lieu au ruisseau Bonanza en 1896, les États-Unis traversaient une grave dépression économique. Les gens avaient du mal à trouver du travail et à gagner suffisamment d’argent pour se nourrir et nourrir leur famille. C’est pourquoi la possibilité de devenir riche en trouvant de l’or au Yukon a séduit de nombreuses personnes.  

C’est également à cette époque que l’Ouest sauvage aux États-Unis a commencé à disparaître. Depuis la première colonisation des États-Unis par les Européens au XVIIe siècle jusqu’à 1890, les États-Uniens se répandaient dans le pays à un rythme constant. Pendant cette période, on a construit des maisons et commencé à exploiter des fermes sur des terres qui avaient été précédemment occupées par des peuples autochtones. La plupart de ces terres n’étaient pas aménagées et n’avaient pas encore été radicalement modifiées par les humains qui y vivaient.   

À la fin du XIXe siècle, il y avait tellement d’habitants aux États-Unis qu’il ne restait plus beaucoup de terres non aménagées. Il semblait que le pays avait déjà atteint ses limites. Mais pour les personnes qui rêvaient du « bon vieux temps » de l’Ouest sauvage, où on pouvait vivre dans une région qui n’avait pas encore été aménagée et travailler dur pour gagner sa fortune, le Klondike semblait être une solution de dernier recours.

La fondation de Dawson City

À la fin du mois d’août 1896, presque tous les prospecteurs de la région du Yukon s’étaient rendus au Bonanza et tout le ruisseau avait été piqueté. De nombreux prospecteurs trouvaient déjà de bonnes quantités d’or dans leur concession.  

Il n’y avait pas autant d’or dans la région du Klondike qu’en Californie, mais il était concentré dans une zone beaucoup plus petite. Les chercheurs qui ont eu la chance de piqueter une concession au ruisseau Bonanza ont fait fortune. La plupart des concessions de ce ruisseau contenaient chacune environ un demi-million de dollars d’or. Au total, près de 30 millions de dollars d’or ont été découverts au Bonanza. C’est l’équivalent de plus d’un milliard de dollars en dollars d’aujourd’hui!  

Le 31 août 1896, plusieurs hommes ont décidé de fouiller un petit ruisseau qui se jette dans le Bonanza. À leur grande joie, ils ont trouvé de l’or là aussi! Ils ont nommé ce ruisseau Eldorado.

Carte en anglais des champs aurifères du Klondike. Notez les ruisseaux Bonanza et Eldorado, où de grandes quantités d’or ont été trouvées.

Source : Adney, T. Klondike and Indian River Gold Fields. 1898. Collection de cartes Barry Lawrence Ruderman. Bibliothèques de l’Université de Stanford.

 
Une dépression économique est une crise financière grave qui peut durer de nombreuses années. Les gens peuvent perdre leur emploi, faire faillite et même avoir des difficultés à acheter de la nourriture et d’autres produits importants. La Grande Dépression des années 1930 est la plus célèbre des dépressions économiques, mais d’autres dépressions graves se sont produites au cours de l’histoire, comme celle qui a eu lieu de 1893 à 1897 aux États-Unis. Cette dépression n’a pas duré aussi longtemps que la Grande Dépression, mais elle a été bien pire pendant un certain temps.
 
L’Ouest sauvage, ou « Wild West », et la portion occidentale des États-Unis qui était restée relativement peu peuplée.
 
Les ruisseaux Bonanza et Eldorado sont tous deux des affluents de la rivière Klondike. Un affluent est une rivière qui se jette dans un fleuve ou un ruisseau qui se jette dans une rivière. La ruée vers l’or du Klondike tire son nom de la rivière Klondike, car de l’or a été trouvé dans plusieurs de ses affluents.

Tout au long de l’automne et de l’hiver, les prospecteurs ont continué à chercher de l’or dans les affluents du Klondike. Puis, en janvier 1897, un prospecteur et homme d’affaires états-unien du nom de Joe Ladue a acheté un grand terrain du gouvernement et l’a transformé en la ville de Dawson City. Il a nommé la ville en l’honneur de George M. Dawson, le géologue canadien qui avait exploré et cartographié la région du Yukon dix ans auparavant. Située au confluent de la rivière Klondike et du fleuve Yukon, la région de Dawson City était utilisée pour la chasse et la cueillette par le peuple Tr’ondëk Hwëch’in et ses ancêtres de langue hän depuis des siècles.

Vue panoramique de Dawson City, au Yukon, photographiée depuis la rive est du fleuve Yukon. On peut voir la rivière Klondike en arrière-plan.

Source : Dawson City, Yukon. Vers 1899. Collection William Hepworth. Archives du Yukon.

Comme une traînée de poudre

Dans les premiers mois qui ont suivi la découverte au ruisseau Bonanza, la nouvelle s’est répandue en Alaska, et les prospecteurs ont rapidement traversé la frontière pour se rendre au Yukon. Au printemps 1897, environ 1 500 personnes vivaient à Dawson City. Un certain nombre de ces personnes n’étaient même pas des prospecteurs, mais des commerçants, des propriétaires de bars et d’hôtels ou des propriétaires de magasins divers en ville.

Puis, une fois que la glace a fondu sur le fleuve Yukon cet été-là, les prospecteurs qui avaient déjà trouvé de l’or au Klondike ont sauté sur deux petits bateaux pour échanger leur or contre de l’argent au sud (il n’y avait pas encore de banques au Yukon). Ce sont ces deux bateaux qui ont apporté la nouvelle de la grande découverte au reste du monde.  

Les personnes qui quittaient leur bateau des valises littéralement remplies d’or à la maison ont fait sensation. La nouvelle s’est diffusée en un rien de temps, partout dans les journaux de toute l’Amérique du Nord et même de l’Europe. Il y avait de l’or au Klondike! Des milliers de personnes, principalement des États-Uniens, ont tout laissé tomber et se sont précipités vers le nord. C’était la ruée vers le Yukon et les champs aurifères du Klondike! 

Les nouveaux arrivants n’étaient pour la plupart pas des prospecteurs. C’étaient des vendeurs, des conducteurs de tramway, des banquiers et des avocats. Même le maire de Seattle et un ancien gouverneur de Washington sont partis pour le Yukon. Aucune de ces personnes n’avait d’expérience dans la recherche de minerais, et la plupart d’entre elles ne savaient même pas où se trouvait le Yukon. Mais ils y sont quand même partis, désireux de faire fortune dans les ruisseaux et les rivières du Klondike.

Les routes menant aux champs aurifères du Klondike

Les gens empruntaient de nombreuses routes pour se rendre au Yukon. Le moyen le plus simple était par bateau, à remonter le fleuve Yukon. On appelait cette option l’itinéraire des riches, car elle était la plus coûteuse. Néanmoins, les bateaux en direction du Yukon étaient remplis à pleine capacité. Ils étaient tellement bondés que certains ne pouvaient y prendre place, et ils devaient attendre un autre bateau. La route la plus courte et la plus utilisée était celle du col Chilkoot, mais c’était un voyage difficile. On l’appelait l’itinéraire des pauvres.

Un navire appelé Excelsior quittant San Francisco pour le Klondike durant l’été 1897. C’est le premier navire à avoir transporté des passagers jusqu’au Yukon après que la nouvelle de la grande découverte d’or s’est répandue. Le navire pouvait accueillir 350 personnes à son bord.

Source : Partridge, S. C. Steamer EXCELSIOR leaving San Francisco for the Klondike, July 28, 1897. 1897. Collection des transports. Bibliothèques de l’Université de Washington. 

Certains Canadiens ont refusé d’emprunter ces routes parce qu’elles passaient par les États-Unis. Les gens ont essayé d’inventer toutes sortes de routes entièrement canadiennes à travers la Colombie-Britannique et l’Alberta, mais rien n’a vraiment fonctionné. Peu de ceux qui les ont empruntées sont parvenus à Dawson City.  

Contrairement aux Autochtones, qui savaient voyager léger et suivaient des sentiers à travers le Yukon depuis des siècles, beaucoup de ces chercheurs d’or étaient inexpérimentés. Ils ne savaient pas quoi apporter, alors ils se sont retrouvés avec toutes sortes de choses inutiles qui les alourdissaient.

Carte en anglais des différentes routes vers les champs aurifères du Klondike. « All Water Route » représente la route des riches alors que « Skagway/Dyea Route » représente la route du col Chilkoot, la route des pauvres.

Source : Map of routes to Klondike. 2011. National Park Service. 

La route du col Chilkoot 

Les chercheurs qui ont emprunté la route du col Chilkoot ont dû passer par deux villes d’Alaska en cours de route : Skagway et Dyea. Ces villes ressemblaient à celles des vieux westerns. L’alcool et les jeux d’argent y étaient omniprésents et les gens se battaient constamment ou se faisaient voler.

Vue vers le sud le long de la rue Broadway à Skagway, en Alaska. La voie ferrée a été posée au cours de l’été 1898.  

Source : Hegg, E. A. Broadway, Skagway. Vers 1900. Collection Anton Vogee. Archives du Yukon.

Vue panoramique de Dyea, en Alaska, le long de la rivière Dyea.  

Source : Vogee, A. Dyea Alaska. 1899. Collection Anton Vogee. Archives du Yukon. 

Les villes avaient bien un shérif, mais elles étaient en fait dirigées par un escroc nommé « Soapy » Smith et sa bande de voyous. Les chercheurs d’or qui passaient par là étaient des cibles faciles pour les membres du gang, et ils avaient de la chance s’ils parvenaient à sortir de la ville sans être attaqués ou sans se faire voler leur argent.

Jefferson Randolph Smith II alias « Soapy » Smith. Il a été tué dans une fusillade le 8 juillet 1898. 

Source : Peiser, T. Jefferson “Soapy” Smith at bar in saloon in Skagway, Alaska, July 1898. 1898. Bibliothèque du Congrès.

Même si les chercheurs d’or réussissaient à traverser Skagway et Dyea, ils avaient encore la partie la plus difficile de la route devant eux. Pour revenir en territoire canadien, les voyageurs devaient d’abord franchir le col Chilkoot. Mais la Police montée du Nord-Ouest qui gardait la frontière canadienne au sommet du col ne laissait passer personne à moins d’avoir assez d’argent ou de provisions pour tenir six mois. Afin de faire passer toutes leurs provisions à la frontière, certains chercheurs d’or devaient faire le voyage jusqu’au sommet près de 20 fois, ce qui pouvait prendre des semaines (à moins que le voyageur n’ait eu assez d’argent pour engager des porteurs, dont beaucoup étaient autochtones, pour transporter les provisions jusqu’au sommet)!

Un groupe de personnes, dont des porteurs de Premières Nations, se reposent avec leur matériel au sommet du col Chilkoot.

Source : Yukoners on the Summit of Chilkoot Pass, Alaska. Vers 1897-1898. Archives du Yukon.

L’ascension était difficile, surtout pour les voyageurs qui devaient transporter de lourdes charges et qui portaient d’épais manteaux de laine. Lorsqu’ils sont arrivés au sommet, beaucoup d’entre eux étaient à bout de souffle. Certains ont dû grimper les derniers mètres sur les mains et les genoux. Puis ils laissaient leurs biens et redescendaient la colline pour refaire l’ascension avec d’autres provisions.

Personnes grimpant le sommet du col Chilkoot pendant l’hiver 1897-1898. Cette scène est l’une des plus célèbres de l’histoire du Canada, même si elle s’est déroulée sur le versant états-unien de la montagne.

Source : Hegg, E. A. Packers ascending summit of Chilkoot Pass. Vers 1898-1899. Bibliothèque et Archives Canada. C-005142.

Quelques femmes ont fait l’ascension périlleuse du col Chilkoot. C’étaient des femmes de prospecteurs, des prostituées ou des femmes en recherche d’aventure tout simplement. Martha Black faisaient partie du camp des aventurières. Elle a parcouru la route du col Chilkoot en juillet 1898 et a réussi à atteindre le sommet du col alors qu’elle était enceinte! Martha était une dure à cuire. Elle avait quitté son mari avant de partir pour le Yukon et élevait seule son bébé à Dawson City. Elle a établi une scierie à Dawson City et a finalement épousé un avocat, George Black, qu’elle a rencontré là-bas. À presque 70 ans, elle est devenue la deuxième femme de l’histoire à être élue au Parlement canadien.

Martha et George Black le long d’un sentier au Yukon. Ils sont vêtus de manteaux de fourrure.

Source : G.B. and M.M.B. 1925. Collection Overland Trail. Archives du Yukon.

La dernière étape du périple dans le col Chilkoot consistait à longer le fleuve Yukon jusqu’à Dawson City. Mais la plupart des chercheurs atteignaient le sommet du col Chilkoot en plein hiver et avaient donc un fleuve Yukon complètement gelé. Ils devaient attendre plusieurs mois pour qu’il dégèle. Les chercheurs d’or passaient le dur hiver à dormir dans des tentes sur la rive du lac Bennett voisin et à construire des bateaux qu’ils utilisaient pour descendre le fleuve au printemps. Des centaines de bateaux ont dû être construits, et la plupart des arbres des forêts voisines ont été abattus pour faire du bois d’œuvre.

Campement de tentes de chercheurs d’or sur les rives du lac Bennett au printemps 1898.  

Source : Goetzman, H. J. En Route to the Klondike Gold Fields - Scene at Bennett City - Spring of 1898. 1898. Collection de la famille Butler. Archives du Yukon. 

Une fois que la glace sur le fleuve Yukon avait fondu et que les gens pouvaient enfin mettre leurs bateaux à l’eau, ils partaient pour Dawson City. Le voyage n’était cependant pas une partie de plaisir. Les voyageurs devaient diriger leurs bateaux à travers les rapides de Miles Canyon, puis les rapides de Whitehorse juste après. De nombreux bateaux ont fait naufrage en cours de route, jusqu’à ce que la police montée intervienne et commence à inspecter les bateaux pour déterminer s’ils étaient sécuritaires avant qu’ils ne pénètrent dans le canyon.

Groupe de chercheurs d’or dans leurs bateaux faits maison sur les rives du lac Bennett en Colombie-Britannique. Ils se préparent à partir pour le Klondike.

Source : Leaving Bennett for the Klondike. 1898. Collection du musée d’histoire et d’art d’Anchorage. Archives du Yukon.

Après le canyon et les rapides, le reste du chemin jusqu’à Dawson City se déroulait sans encombre. Malheureusement, lorsque la plupart des chercheurs d’or sont arrivés à Dawson City au printemps 1898, deux ans s’étaient écoulés depuis la grande découverte d’or au ruisseau Bonanza. Tout le ruisseau avait déjà été piqueté et la plupart des personnes qui avaient voyagé pendant près d’un an pour atteindre les champs aurifères avaient à peine trouvé assez d’or pour rentabiliser le voyage.

Ces trois photos montrent la route du lac Bennett, en Colombie-Britannique, à Dawson City, au Yukon, le long du fleuve Yukon. L’image du haut montre le lac Bennett vu d’en haut. La légende dit : « Le plus grand campement de tentes du monde. Plus de trente mille hommes ont construit leurs propres bateaux ici, sur le lac Bennett, au printemps 1898. Chacun apportait sa propre tente et son matériel de construction, et on entendait partout le tapotement de milliers de marteaux. »

L’image du milieu montre des bateaux de chercheurs d’or sur un lac. La légende dit : « Une armada faite maison prend la mer. C’était du jamais vu, et ce ne sera d’ailleurs jamais revu : sept mille bateaux, chargés de trente mille livres de nourriture, dérivant le long du couloir vert d’un lac alpin par un jour de juin 1898. »

L’image du bas montre le bord du fleuve bondé à Dawson City. La légende dit : « Au bout de l’arc-en-ciel. C’est la scène qui s’offre aux yeux des nouveaux arrivants : deux miles de bateaux, six de profondeur, coincés le long du front de mer agité de Dawson City. »

Source : Klondike water route from Lake Bennett to Dawson City. 1898. Collection Bill Roozeboom. Archives du Yukon.

 
Vous souvenez-vous du système d’avances aux prospecteurs mentionné précédemment? Il s’agit d’un système dans lequel un commerçant approvisionne un prospecteur sans être payé, étant entendu que le prospecteur le remboursera avec l’or qu’il aura trouvé. Joe Ladue avait en fait donné une telle avance à Robert Henderson, l’homme qui affirmait qu’on devait lui créditer la découverte qui a déclenché la ruée vers l’or, quelques années avant que l’or ne soit trouvé au Bonanza.
 
Tr’ondëk Hwëch’in signifie « peuple de la rivière Klondike ».