HISTOire
LE PRÉLUDE À LA RUÉE VERS L'OR DU KLONDIKE
Autres ruées vers l’or historiques
Plusieurs célèbres ruées vers l’or ont eu lieu en Amérique du Nord au cours de la première moitié du XIXe siècle :
la ruée vers l’or de la Géorgie en 1829;
la ruée vers l’or de la Californie en 1849 (la plus grande ruée vers l’or avant celle du Klondike).
Cette ruée vers l’or a eu d’énormes retombées sur la région. Des routes, des écoles, des églises et des petites villes ont été construites pour accueillir le nombre croissant de personnes. En 1850, un an après le début de la ruée vers l’or, la Californie est devenue un État. Dans le même temps, les communautés autochtones étaient attaquées et chassées de leurs terres par les chercheurs d’or. Avec l’augmentation du nombre de ces chercheurs, les sources de nourriture ont commencé à se faire rares, et les déchets toxiques des activités de fouille ont détruit de nombreux habitats naturels.
Alors que la ruée vers l’or de la Californie s’essoufflait, de l’or a été découvert dans d’autres régions montagneuses, notamment dans certaines parties des montagnes Rocheuses en Colombie-Britannique.
Quelques découvertes d’or en Colombie-Britannique :
ruée vers l’or des Îles de la Reine-Charlotte en 1851;
ruée vers l’or du canyon Fraser en 1858;
ruée vers l’or de Cariboo en 1861;
ruée vers l’or de Cassair en 1873.
Suivant l’or qu’ils découvraient, les prospecteurs ont commencé à se déplacer de plus en plus vers le nord, jusqu’à ce qu’ils atteignent le fleuve Yukon.
Les premiers chercheurs d’or
Depuis la construction du poste de traite de Fort Yukon par Alexander Murray en 1847, des rumeurs circulaient parmi les commerçants de fourrures selon lesquelles il y avait de l’or le long du fleuve Yukon. Ces rumeurs ont fini par atteindre les prospecteurs plus au sud, qui étaient à la recherche de nouveaux gisements d’or, la plupart de l’or ayant été extrait en Californie et en Colombie-Britannique lors des premières ruées vers l’or.
En 1872, trois hommes ont décidé d’explorer le sous-sol yukonnais : Leroy Napoleon McQuesten (surnommé Jack), Arthur Harper et Alfred Mayo. Ces hommes n’ont jamais trouvé d’or eux-mêmes et sont devenus des commerçants de fourrures pour gagner leur vie. Ils ont construit un poste de traite, Fort Reliance, en 1874. Le poste était situé un peu au nord de l’endroit où la rivière Klondike et le fleuve Yukon se rencontrent (une zone qui deviendra plus tard Dawson City).
C’est grâce aux provisions accessibles à ce poste de traite et à d’autres semblables le long du fleuve Yukon que de plus en plus de prospecteurs ont pu passer du temps au Yukon à la recherche d’or. McQuestern, Harper et Mayo ont également mis en place le système d’avances aux prospecteurs. Dans le cadre de ce système, les commerçants pouvaient donner l’équivalent d’un hiver de provisions et d’équipement aux prospecteurs, qui les remboursaient ensuite avec l’argent gagné grâce à l’or qu’ils trouvaient.
Au cours des 15 années suivantes, quelques chercheurs ont fait de petites découvertes d’or qui ont incité de plus en plus de personnes à aller au Yukon. Au milieu des années 1880, on comptait environ 500 nouveaux arrivants dans la région. C’est à cette époque que Jack McQuesten se rend compte qu’il peut gagner plus d’argent en vendant des provisions aux prospecteurs qu’en échangeant des fourrures avec les Autochtones. Rapidement, les échanges ont commencé à se fondre en arrière-plan et la recherche de minerais précieux a commencé à occuper le devant de la scène.
En 1886, la première grande découverte d’or au Yukon a été faite à la rivière Forty Mile, qui a été nommée ainsi parce qu’elle se trouvait à 40 miles (près de 65 km) de Fort Reliance. Il en a résulté une petite ruée vers l’or, avec plus d’une centaine de chercheurs d’or des environs se précipitant dans la région. Pendant ce temps, McQuestern, Harper et Mayo ont établi un autre poste de traite à la rivière Forty Mile, qui est devenu la première ville permanente du Yukon, soit Forty Mile. Cette ville était le centre d’activité du Yukon jusqu’à la grande découverte d’or près de la rivière Klondike en 1896, après quoi elle a été pratiquement abandonnée.
En 1894, deux ans avant la découverte de l’or au Klondike, environ 1 000 hommes cherchaient de l’or au Yukon (et quelques femmes également, certains chercheurs amenant leur épouse avec eux). La plupart des chercheurs de l’époque avaient de l’expérience. Ils avaient fait des fouilles lors de certaines des premières ruées vers l’or et savaient ce qu’ils faisaient. Ils étaient patients et méthodiques, tout le contraire des nombreux chercheurs d’or fanatiques qui se sont rendus au Yukon au plus fort de la ruée vers l’or du Klondike.
Ces chercheurs d’or ne prenaient pas de risques inutiles. Peu d’entre eux se déplaçaient en hiver; ils restaient aussi près que possible d’un poste de traite afin d’avoir un accès facile à la nourriture et aux provisions et de ne pas mourir de faim. Pendant l’été, ils se déplaçaient d’un endroit à l’autre, à la recherche d’un bon filon. Ils bougeaient beaucoup et n’avaient que leur équipement de fouille et leurs objets personnels à transporter avec eux.
LA FRONTIÈRE MINIÈRE DU YUKON
La communauté des chercheurs d’or du Yukon, avant la grande découverte de 1896, ne suivait aucune loi officielle. Jusqu’à l’arrivée de la police à Forty Mile en 1894, il n’y avait pas d’autorités publiques pour faire respecter la loi canadienne. Les chercheurs faisaient souvent l’aller-retour à travers la frontière entre le Yukon et l’Alaska sans s’en rendre compte. Et même s’ils le savaient, ils ne s’en souciaient pas. Ce n’était important pour personne. Chacun allait et venait à sa guise, ne comptant que sur lui-même et ses partenaires pour survivre.
Les partenariats entre chercheurs étaient très laxistes à cette époque. Les chercheurs travaillaient ensemble dans une certaine zone, mais si un ou plus d’un d’entre eux décidait que l’effort n’en valait pas la peine, ils pouvaient partir à tout moment sans rancune.
Pendant des années, les chercheurs ont établi et suivi leurs propres règles. Ces règles étaient souvent appliquées lors de réunions entre chercheurs d’or, qui étaient le principal moyen de résoudre les disputes entre eux. N’importe qui pouvait convoquer une réunion et tous les chercheurs qui se trouvaient à proximité y assistaient. À la fin de la réunion, tous les participants votaient, et si la personne faisant l’objet du vote était déclarée coupable, elle était souvent bannie de la communauté.
Les chercheurs avaient leur propre système de justice, et les réunions en constituaient une grande partie. Ces réunions ne consistaient pas seulement à faire respecter les règles, elles encourageaient le bon comportement de tous les membres de la communauté. Les chercheurs faisaient la plupart de leur travail seuls, mais il y avait toujours la possibilité qu’ils aient besoin de l’aide de quelqu’un d’autre pendant leur voyage dans le Nord. La survie d’une personne pouvait dépendre de la gentillesse d’un étranger, et il était donc essentiel que les chercheurs d’or puissent compter les uns sur les autres pour se nourrir et se loger. Il aurait été impensable à l’époque de refuser d’aider un étranger. Les chercheurs devaient également pouvoir laisser leur nourriture et leur équipement sans surveillance pendant de longues périodes sans avoir à craindre de se faire voler. Le vol était considéré comme un crime très grave pour les chercheurs d’or.
Les égoïstes qui refusaient d’aider les autres, volaient des objets et ne se souciaient que d’eux-mêmes constituaient une menace bien réelle pour l’ensemble de la communauté. Il fallait se montrer strict envers de telles personnes pour que les autres comprennent que ce n’est pas acceptable d’agir ainsi. C’est pourquoi les chercheurs votaient souvent pour bannir ces personnes lors des réunions. C’était leur façon de dire qu’un tel comportement ne serait pas toléré.
Les réunions entre chercheurs ont également permis de prévenir les conflits de manière étonnamment efficace. Dans un cas, deux chercheurs d’or, Matlock et Wickham, ont eu une violente altercation : Wickham a poignardé Matlock, et Matlock a tiré sur Wickham en retour. Les deux hommes ont eu la chance de survivre, mais lors d’une réunion convoquée pour traiter de l’incident, on leur a dit que s’ils se battaient encore, ils seraient tous deux bannis. Ils ont par la suite fini par devenir de bons amis.
L’arrivée de la police
La police n’est arrivée au Yukon qu’en 1894. La Police montée du Nord-Ouest est arrivée à Forty Mile après que l’évêque missionnaire Bompas lui eut envoyé plusieurs lettres. Dans ces lettres, Bompas se plaignait du tapage et des perversions des chercheurs d’or en ville. Comme d’autres missionnaires, il craignait que les actions des chercheurs d’or ne corrompent les populations autochtones locales qu’ils essayaient si durement de convertir au christianisme.
L’inspecteur Charles Constantine et le sergent-chef Charles Brown ont été les deux premiers agents de police sur place. Ils ont passé l’été à Forty Mile, pour découvrir la ville et voir comment ses habitants se comportaient. À leur grande surprise, ils ont constaté que le ville était plutôt tranquille. Constantine a tout de même décidé de créer un petit poste de police de l’autre côté de la rivière Forty Mile, qu’il nomme Fort Constantin. L’année suivante, il a ramené avec lui 20 agents de plus au Yukon.
Le gouvernement du Canada a donné beaucoup de pouvoir à Constantine : il était responsable des forces de police et était également juge et geôlier. Il a immédiatement mis fin aux réunions entre chercheurs d’or et a commencé à appliquer les lois du système juridique canadien. Il n’avait aucun intérêt pour les populations autochtones locales et les ignorait le plus souvent tant qu’il pensait qu’elles ne nuiraient pas au développement de l’industrie minière au Yukon.