HISTOire

LE YUKON AUTOCHTONE

Histoire

Les archéologues ne s'entendent pas sur la date exacte de l'arrivée de l'homme en Amérique du Nord et du Sud. Mais la plupart s'accordent à dire qu'il y a 20 000 à 12 000 ans, l'homme est arrivé en Amérique du Nord en traversant le pont terrestre de Béring depuis le continent asiatique. Ce pont reliait l'actuelle Russie à l'Alaska et au Yukon, faisant de ces régions septentrionales les premières parties de l'hémisphère occidental à avoir été touchées par l'homme.

Carte en anglais de la Russie orientale, de l’Alaska et du Yukon. Les zones brun pâle montrent le pont terrestre de Béring.

Source : National Park Service, « History of the Bering Land Bridge Theory », www.nps.gov/bela/learn/historyculture/the-bering-land-bridge-theory.htm

À cette époque, la majeure partie du Canada était recouverte d’une énorme couche de glace appelée inlandsis laurentidien. Une fois que les humains ont traversé le pont terrestre vers l’Alaska et le nord du Yukon, ils ont été bloqués par l’inlandsis et n’ont pas pu aller plus loin vers le sud.  

Des milliers d’années plus tard, lors du retrait des glaciers, les gens ont pu se diriger vers le sud et l’est, vers le reste du Canada, et finalement vers les États-Unis et l’Amérique du Sud. Ces personnes étaient probablement les ancêtres de la plupart des peuples autochtones d’Amérique. C’étaient des chasseurs-cueilleurs qui se déplaçaient d’un endroit à l’autre au gré des saisons, en suivant les animaux qu’ils chassaient. Ils vivaient de caribous, de bisons et parfois même de mammouths!

Lorsque les gens ont commencé à se disperser au Yukon, un certain nombre de groupes différents, mais étroitement liés, se sont développés au fil du temps, chacun ayant sa propre langue, sa propre culture et ses propres coutumes. Ces groupes avaient des modes de vie riches et dynamiques, fondés sur des relations pérennes avec la terre et la nature.

Les Premières Nations

Il existe trois catégories de peuples autochtones au Canada : Premières Nations, Inuits et Métis. Les Inuits sont un groupe de peuples autochtones culturellement similaires qui vivent principalement dans les régions septentrionales du Canada, dans l’Arctique et tout autour. Les Métis vivent principalement au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, ainsi que dans certaines régions de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, et ont des ancêtres autochtones et européens. « Premières Nations » est un terme général qui s’applique aux peuples autochtones du Canada qui ne sont ni inuits ni métis. On compte plus de 600 Premières Nations au pays, chacune ayant sa propre culture, son territoire traditionnel et ses ancêtres communs.  

Actuellement, 14 Premières Nations sont reconnues au Yukon :

  • Conseil de Teslin Tlingit

  • Conseil Dena de Ross River

  • Conseil des Ta’an Kwäch’än

  • Première Nation de Kluane

  • Première Nation de Liard

  • Première Nation de Little Salmon et Carmacks

  • Première Nation de Na-Cho Nyak Dun

  • Première Nation de Selkirk

  • Première Nation de White River

  • Première Nation des Gwitchin Vuntut

  • Première Nation des Kwalin Dün

  • Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in

  • Premières Nations de Carcross-Tagish

  • Premières Nations de Champagne et d’Aishihik

Territoires traditionnels des 14 Premières Nations du Yukon.

Source : Gouvernement du Yukon, « First Nations Traditional Territories ». 2020. https://open.yukon.ca/information/publications/first-nations-traditional-territories

Les Langues

Huit langues autochtones sont aujourd’hui parlées au Yukon, chacune comptant de nombreux dialectes. Ces langues sont classées en deux groupes ou « familles » linguistiques : déné et tlingit.

Famille de langues dénées :  

  • Gwich'in

  • Hän

  • Kaska

  • Tutchone du Nord

  • Tutchone du Sud

  • Tagish

  • Haut tanana

Famille de langues tlingits :  

  • Tlingit

Toutes ces langues ont évolué à partir d’une seule langue il y a plusieurs milliers d’années. À l’époque, les peuples autochtones du Yukon constituaient encore un seul grand groupe de personnes étroitement liées les unes aux autres. Ils ont commencé à s’éloigner les uns des autres et leurs langues ont commencé à changer. Tout d’abord, ils se sont séparés en deux groupes linguistiques distincts : déné et tlingit. Ensuite, des centaines d’années plus tard, les peuples parlant le déné se sont de nouveau séparés, formant sept nouvelles langues. Ces langues, ainsi que le tlingit, sont celles qui prévalent encore aujourd’hui.

Carte en anglais montrant où les huit langues autochtones sont parlées au Yukon.

Source : Castillo, V. E.; Schreyer, C. et Southwick, T. 2020. ECHO: Ethnographic, Cultural and Historical Overview of Yukon’s First Peoples. Institute for Community Engaged Research Press. https://pressbooks.bccampus.ca/echoyukonsfirstpeople/chapter/yukon-indigenous-languages/.

Nous pouvons retracer l’ascendance des Premières Nations du Yukon d’aujourd’hui grâce à leurs langues. Par exemple, les Tr’ondëk Hwëch’in, qui vivent à Dawson City, descendent principalement de personnes parlant le hän, et un certain nombre de familles descendent de locuteurs du gwich’in et du tutchone du Nord. La plupart des membres de la Première Nation de Kluane s’identifient comme des descendants de locuteurs du tutchone du Sud, bien que plusieurs de leurs ancêtres viennent également des groupes linguistiques du tlingit et du haut tanana.

 
 
Au cours de la dernière période glaciaire, lorsqu’une grande partie de la Terre était recouverte de glaces, le niveau des mers était plus bas, car la plupart de l’eau était emprisonnée dans la glace. Des parties du plancher océanique ont été exposées à certains endroits, et des continents normalement séparés par l’eau ont soudainement été reliés par la terre. Le pont terrestre de Béring était la zone de terre entre la Russie et l’Alaska. Elle doit son nom à la mer de Béring et au détroit de Béring, qui sont les masses d’eau qui séparent aujourd’hui les continents d’Asie et d’Amérique du Nord.

Les groupes transfrontaliers

Les frontières politiques modernes des provinces et des territoires canadiens ont rendu difficile pour les Premières Nations l’affirmation de leurs droits sur leurs territoires traditionnels. Certaines Premières Nations ont des territoires qui traversent plusieurs provinces et territoires ou même les frontières entre le Canada et les États-Unis ou entre le Canada et le Groenland. Plusieurs de ces groupes transfrontaliers ont des territoires traditionnels au Yukon :

  • Conseil tribal des Gwich’in

  • Conseil des Tetlit Gwich’in

  • Inuvialuit

  • Première Nation Acho Dene Koe

  • Conseil des Kaska Dene

  • Première Nation des Tlingits de la rivière Taku

  • Conseil central Tahltan

 

Les Inuits

De nombreux siècles durant, une petite population d’Inuvialuit (ou Inuits de l’Ouest canadien) a vécu dans la partie nord du Yukon. Les Inuvialuit s’étaient adaptés à l’environnement difficile de l’Arctique, chassant le long du littoral et vivant des ressources de la mer. Mais dans les années 1920, de nombreux Inuvialuit étaient morts de maladies apportées par les baleiniers et les commerçants européens. Ceux qui ont survécu se sont déplacés plus au nord, dans les Territoires du Nord-Ouest et hors du Yukon.

 
Les territoires traditionnels sont des zones de terre avec lesquelles les peuples autochtones ont un lien passé ou actuel. Ces territoires ont été choisis entre autres parce qu’ils recoupent des zones de chasse, que des réseaux d’échanges y prennent place, qu’ils abritent des ressources et que des parents y habitent.

Les modes de vie traditionnels

Avant l’arrivée des Européens au Yukon au XIXe siècle, les peuples autochtones suivaient les mêmes traditions qu’ils avaient depuis des siècles. Tout ce dont ils avaient besoin se trouvait dans la nature qui les entourait. Rien n’était gaspillé, et le partage était monnaie courante.  

La chasse avait une place prépondérante parmi leurs moyens de subsistance. Afin de pouvoir se nourrir tout au long de l’année, les chasseurs devaient savoir comment fabriquer des armes et des pièges pour attraper une foule d’animaux (caribous, orignaux, castors, lapins, etc.) et de poissons et savoir où placer ces pièges. Puis, une fois la proie capturée, on devait la préparer et la conserver. Des rituels importants accompagnaient chacune de ces étapes. Il fallait y adhérer scrupuleusement pour que la chasse se passe bien et pour éviter les situations de surchasse.

On se transmettait d’une génération à l’autre l’information sur les meilleurs lieux de chasse et de pêche. Les aînés, qui s’étaient déplacés des années durant partout dans le pays, guidaient leurs familles vers ces lieux et, pour la plupart, les gens retournaient aux mêmes endroits aux mêmes moments chaque année. Chaque famille parcourait des distances bien définies (le territoire ainsi couvert fait aujourd’hui partie des terres traditionnelles des peuples autochtones du Yukon).

Pendant les mois d’été, lorsque les rivières regorgeaient de poissons, les familles campaient aux endroits privilégiés pour la pêche le long des nombreuses rivières du Yukon. La fin de l’automne et le début de l’hiver étaient des périodes importantes pour la chasse au caribou, car une bonne saison de chasse signifiait une grande quantité de viande pour passer l’hiver, quand il était plus difficile de trouver de la nourriture. De nombreuses familles s’alliaient pour capturer le caribou.

Chaque partie d’un animal était utilisée. Les bois et les cornes étaient transformés en cuillères, bols et outils. Les entrailles des animaux étaient nettoyées et utilisées comme récipients, filets et même fil à coudre. Les vêtements, les logements et les bateaux étaient fabriqués à partir de peaux d’animaux. Certains logements étaient également fabriqués en bois, tout comme les cadres de raquettes et les pièges. Les canoës et les porte-bébés étaient fabriqués à partir d’écorce d’arbre.

Chef Gwich’in nommé Saveeah, ce qui signifie « rayons de soleil ».

Source : Murray, A. H. « Saveeah, chief of the Kootcha-Kootchin », Arctic Searching Expedition: A Journal of a Boat-Voyage through Rupert’s Land and the Arctic Sea, in Search of the Discovery Ships under Command of Sir John Franklin. Richardson, J. 1851. Londres. Longman, Browne, Green, and Longmans.

Les peuples autochtones du Yukon savaient aussi comment se procurer de la nourriture à partir des plantes et des arbres. Les femmes étaient chargées de cueillir toutes sortes de baies, de racines et d’herbes à manger. Elles emmenaient souvent leurs enfants avec elles pour aller cueillir des fruits frais, en chantant et en criant en chemin pour ne pas surprendre les ours, qui aimaient aussi manger les baies.

Au début, la plupart des peuples se déplaçaient d’un endroit à l’autre, suivant les animaux qu’ils chassaient. Comme ils ne restaient jamais longtemps au même endroit, ils construisaient des logements temporaires qu’ils pouvaient facilement démonter et emporter avec eux. Les appentis et les maisons circulaires étaient courants, et parfois ils étaient assez grands pour accueillir six familles! L’extérieur du logement était recouvert de mousse, d’écorce ou de peau d’animal, et des branches d’épinette souples étaient placées sur le sol comme protection contre le froid. Un foyer était aménagé à l’intérieur du logement afin que chacun puisse se réchauffer et cuisiner ses repas.

Dessin d’une hutte d’hiver traditionnelle des Gwich’in. La hutte était probablement faite de peau de caribou et était à moitié recouverte de neige en guise de protection. Les arbres voisins bloquaient aussi le vent.  

Source : Murray, A. H. « Kutchin Winter Lodges », Arctic Searching Expedition: A Journal of a Boat-Voyage through Rupert’s Land and the Arctic Sea, in Search of the Discovery Ships under Command of Sir John Franklin. Richardson, J. 1851. Londres. Longman, Browne, Green, and Longmans.

Comment ces peuples autochtones ont-ils transporté leurs logements, leurs biens et leur nourriture ainsi que les personnes malades ou âgées et les bébés sur les longues distances qu’ils devaient parcourir? On n’utilisait pas de traîneaux à chiens ou de toboggans en bois à l’époque. On tirait en fait tout dans des toboggans faits de peau d’animal en hiver. La plupart du temps, les femmes traînaient ces toboggans derrière elles, tandis que les hommes allaient devant pour tracer la piste et repérer les animaux à chasser.  

Lorsque la neige fondait, on utilisait des bateaux en peau d’orignal pour se déplacer le long des rivières. Ces bateaux pouvaient accueillir jusqu’à deux familles à la fois, mais ne pouvaient rester sur l’eau que quatre à cinq heures avant de se remplir et de devoir être asséchés. Il était parfois plus facile d’attacher quelques rondins ensemble et de faire un radeau temporaire.

Dessin d’une femme Gwich’in et de ses enfants.

Source : Murray, A. H. Arctic Searching Expedition: A Journal of a Boat-Voyage through Rupert’s Land and the Arctic Sea, in Search of the Discovery Ships under Command of Sir John Franklin. Richardson, J. 1851. Londres. Longman, Browne, Green, and Longmans.

La culture

Les Premières Nations du Yukon comptaient de nombreux groupes sociaux : les bandes et les ménages en sont deux exemples. Les bandes étaient composées de personnes qui parlaient la même langue et qui étaient généralement apparentées les unes aux autres. Les membres de la bande ne vivaient pas tous ensemble au même endroit, mais ils partageaient les mêmes zones de chasse et de pêche.

Les ménages étaient beaucoup plus petits. C’était un groupe d’adultes et d’enfants qui partageaient leur nourriture, cuisinaient ensemble et logeaient au même endroit. La vie au Yukon était difficile. Les gens ne pouvaient pas vivre seuls, car il fallait savoir faire bien des choses pour survivre. Si une personne tombait malade, d’autres personnes devaient s’occuper d’elle, et il était donc préférable d’avoir d’autres personnes dans les parages. Un seul ménage pouvait être composé de trois ou quatre familles à la fois. Mais les membres de Premières Nations ne demeuraient pas toujours dans le même ménage. Ils allaient et venaient en fonction de leurs propres besoins.  

Avant l’arrivée des commerçants de fourrures européens au Yukon, il y avait beaucoup de troc entre les groupes de Premières Nations. Chaque fois que les troqueurs se réunissaient, il y avait toujours une célébration et un festin avant le début des échanges. Les gens racontaient des histoires, jouaient à des jeux, dansaient et chantaient.

Dessin d’une danse Gwich’in.  

Source : Murray, A. H. « Dance of the Kutcha-Kutchi », Arctic Searching Expedition: A Journal of a Boat-Voyage through Rupert’s Land and the Arctic Sea, in Search of the Discovery Ships under Command of Sir John Franklin. Richardson, J. 1851. Londres. Longman, Browne, Green, and Longmans.

Les occasions spéciales étaient soulignées par des chansons. Ces dernières étaient souvent accompagnées de tambours et de danses. Les chants et les danses sont des façons de raconter des histoires, une tradition importante chez les peuples autochtones du Yukon. Un bon conteur était très respecté, car c’est par ses histoires que les gens transmettaient les connaissances historiques et importantes.  

L’hiver était le meilleur moment pour raconter des histoires. Les familles s’asseyaient ensemble autour du feu et se relayaient pour raconter des histoires. Les aînés passaient en premier, car ils connaissaient le mieux l’histoire de leur peuple et pouvaient raconter beaucoup de choses du passé.  

Les aînés étaient très respectés au sein des peuples autochtones. C’est eux qui avaient le plus d’expérience et qui connaissaient le mieux la terre, les gens et les animaux. Les aînés faisaient le pont entre le passé et le présent, transmettant les connaissances traditionnelles et les histoires des temps anciens. On pensait également que les personnes âgées étaient plus proches du monde des esprits et qu’elles avaient un pouvoir spirituel accru. 

Les Premières Nations du Yukon étaient très spirituelles. Elles croyaient qu’il existait de nombreuses puissances spirituelles dans l’univers, et que ces puissances pouvaient s’incarner dans n’importe quoi : montagnes, lacs, animaux, flèches, etc. Il était important de vivre en harmonie avec ces puissances spirituelles, car si on les mettait en colère, il pouvait survenir des malheurs.

 
 
Beaucoup d’endroits ont reçu un nom désignant les ressources qu’on pouvait y trouver. Par exemple, la rivière Klondike s’appelait Tr’ondëk, un mot hän qui désigne un type de pierre utilisé pour installer les filets de pêche. Le nom de la rivière indiquait aux gens qu’on pouvait y trouver du poisson.